D'où vous vient l'idée de créer Babiru ?
Babiru est né d'une passion. J'adore l'art conceptuel impressionnant de Nivanh Chantara et de Fred Rambaud, les deux artistes conceptuels de l'univers de Babiru.
Leur travail, qui s'étale sur près de dix ans, décrit un monde envoûtant et ancien. Le potentiel est immense pour une histoire de science-fiction immersive. Je les ai convaincus d'approfondir ces idées dans un long métrage. Pendant quelque temps, nous avons présenté l'idée d'un film en prise de vues réelles sous différentes formes. Mais après plusieurs refus dus à la nature ambitieuse du projet, nous nous sommes rendu compte que nous n'aboutirions à rien de façon traditionnelle.
J'ai étudié la faisabilité du projet avec l'Unreal Engine, qui nous épargnait certaines concessions nécessaires avec la prise de vues réelles, et j'ai candidaté pour obtenir une subvention MegaGrant.
La réponse d'Epic est tombée juste après le début du confinement. Nous avons réussi à former une équipe pour travailler à distance dans le monde entier quand tout était à l'arrêt. Nous avons eu de la chance, car nous avons pu exprimer toute notre créativité pendant cette période.
La subvention nous a permis de faire appel à des artistes de grande renommée, afin de repousser les frontières du possible. Lors de cette étape, nous avons expérimenté pour atteindre le niveau de qualité que nous visions. L'Unreal Engine nous a permis de voir les choses en grand.
Après vos travaux précédents avec de véritables acteurs, adopter des personnages en images de synthèse a dû représenter un grand bouleversement !
Effectivement. Au début, ce n'était pas simple de diriger les acteurs situés dans l'environnement de capture de mouvement de Beyond Capture Vancouver, à distance depuis Montréal. Peu à peu, ce mode de travail a permis un contrôle créatif complet sur les mouvements, le timing et même les déplacements de la caméra, sans les contraintes des décors physiques ou de la disponibilité des acteurs. Bien plus tard, nous avons exploité les animations capturées et les avons modifiées pour qu'elles correspondent parfaitement à nos scènes, sans avoir à planifier de nouvelles journées de prise de vues. Ce processus nous a aidés à respecter nos contraintes de temps et d'argent.
L'Unreal Engine apporte de la fluidité à ce mode de travail, grâce au rendu en temps réel et aux outils d'animation. Nous pouvions visionner les scènes proches du résultat final pour itérer rapidement sur les animations, le réglage des lumières à la volée et le peaufinage des compositions directement dans le moteur, sans avoir à attendre un rendu chronophage. Enfin, nous avons bénéficié d'un flux de travail décentralisé, qui permet à des artistes du monde entier de contribuer en parallèle à plusieurs plans de la même scène, en même temps.
Pourquoi avoir opté pour l'Unreal Engine en tant que principal moteur de rendu ?
Je joue aux jeux vidéo depuis toujours. Je me souviendrai toujours de Quake sur une vieille version de l'Unreal Engine, quand j'étais ado. J'étais captivée par les scènes cinématiques des jeux comme Wing Commander ou Call of Duty. Je me disais : "Je pourrais regarder tout un film comme ça."
J'ai testé des moteurs de rendu traditionnels dans le cadre de projets antérieurs. Je les trouvais difficiles à maîtriser et ils ne proposaient pas de résultats en temps réel. En cas d'erreur ou pour toute modification mineure, regénérer le rendu d'une scène complexe pouvait prendre des heures, voire des jours.
L'Unreal Engine propose un flux de travail en temps réel qui nous permet de visualiser et de peaufiner les plans instantanément. Les pipelines d'images de synthèse traditionnels sont loin de l'égaler.Nous pouvons travailler en temps réel sur une scène avec toutes ses textures, ses lumières et ses animations. Ainsi, nous prenons les décisions créatives plus rapidement. C'est également plus économique, car on obtient un réalisme visuel qui coûterait beaucoup plus cher en animation prérendue conventionnelle.
Mais c'est le caractère presque tout-en-un de l'UE qui m'a particulièrement convaincu. En effet, on peut gérer la prévis, l'animation, l'éclairage, le tournage et même le pixel final dans un seul logiciel.
C'était révolutionnaire à l'époque où nous avons commencé à travailler sur Babiru. J'ai toujours aimé tester de nouvelles technologies pour repousser les limites et découvrir comment les exploiter afin de concrétiser des idées créatives qui seraient hors de portée dans une configuration plus classique.
Où en est le développement de Babiru ?
Nous avons créé 16 minutes de film. Pour l'instant, nous avons diffusé une bande-annonce comme preuve de concept et pour montrer un aperçu du monde de Babiru. Notre prochaine étape est de le présenter à des producteurs et à des studios de cinéma afin d'obtenir un financement supplémentaire e frt faire de Babiru un véritable long métrage.
La preuve de concept dévoile le potentiel visuel et narratif de cet univers. Nous recherchons activement des partenaires pour passer à la vitesse supérieure.
Comment voyez-vous l'Unreal Engine dans la réalisation de films à l'avenir ?
L'Unreal Engine transforme totalement la façon de créer des films d'animation. Il nous a permis d'itérer plus rapidement, de prendre des décisions créatives en temps réel et de collaborer de façon décentralisée avec des artistes du monde entier. Les pipelines traditionnels ne permettent pas tout cela.
Quand les cinéastes travaillent avec un décor en temps réel complètement abouti, ils peuvent se concentrer sur la narration et le design graphique, quand d'autres attendent les rendus. Grâce à l'UE, j'ai pu créer des plans inimaginables avec un mode de travail traditionnel. Babiru n'aurait jamais vu le jour sans cette technologie. Pour moi, cet outil change la donne pour les grands studios comme pour les indépendants.
Aujourd'hui, la technologie permet à une nouvelle génération de créateurs de concrétiser des projets qui étaient hors d'atteinte il y a quelques années. Ils peuvent tester de nouvelles formes narratives hybrides.