L'approche unique du combat au tour par tour que propose Clair Obscur: Expedition 33, renforcée par des mécaniques en temps réel, est au cœur de l'expérience. Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors du développement de ces mécaniques de combat et comment avez-vous trouvé le gameplay approprié ?
Tom Guillermin : Au début du projet, Guillaume et moi avons créé plusieurs prototypes pour le système de combat dynamique au tour par tour, en combinant un gameplay en temps réel pour l'attaque, avec des QTE pour lancer des sorts ou une mécanique de visée libre, à un gameplay de défense reposant sur des esquives et des parades. Très vite, nous avons eu l'impression de pouvoir apporter quelque chose de nouveau au genre du tour par tour. Il a fallu du temps pour trouver le bon équilibre entre ces éléments en temps réel, notamment pour les fenêtres d'esquive et de parade, mais je pense que nous avons réussi (et c'est tellement satisfaisant de réussir à placer une contre-attaque après une série de parades !).
Je me souviens de la première fois où nous avons testé ces fonctionnalités avec l'équipe. C'était au tout début, dans le cadre d'une démo spécialement créée pour présenter le système de combat. Mes collègues essayaient de battre un boss à tour de rôle en se passant la manette quand ils échouaient. À ce moment-là, il y a eu comme un déclic et on a senti qu'on avait réussi à créer quelque chose d'unique qui allait définir le jeu.
La formule que nous avons finalement gardée permet aux joueurs qui ont de bons réflexes en temps réel de prendre plus de risques, tandis que les autres joueurs peuvent compenser avec des objets et des stratégies spécifiques.
Les combats utilisent une caméra cinématique qui apporte de la variété visuelle aux interactions avec les ennemis. Comment s'est déroulé le développement et l'implémentation de celle-ci ?
Tom Guillermin : Nous voulions que l'animation, les mouvements de caméra et les effets visuels pendant les combats soient très soignés. Même lorsque vous vous contentez de naviguer dans les menus, il se passe toujours quelque chose à l'écran !
Pour être sûrs d'avoir un maximum de flexibilité dans la création de tous ces éléments, nous avons utilisé l'outil Sequencer d'Unreal en traitant chaque animation comme de petites cinématiques où les acteurs de combat sont liés de manière dynamique. Cette approche a offert une grande flexibilité à l'équipe pour créer des plans spectaculaires.
Dans un jeu au tour par tour comme le nôtre, les environnements de combat sont majoritairement contrôlés, mais notre système permet tout de même aux concepteurs de niveaux de procéder à des ajustements au cas par cas, par exemple pour modifier la position des ennemis. L'une des difficultés que nous avons rencontrées a été d'intégrer des mouvements dynamiques dans nos séquences de niveau (par exemple, un ennemi qui saute vers un personnage de votre équipe, quelle que soit sa position). Pour ce type de fonctionnalité, nous exposons généralement certaines propriétés d'acteurs dans Sequencer et nous les contrôlons avec des images clés dans des pistes dédiées, ce qui nous permet de garder le contrôle artistique sur l'évolution d'une propriété de gameplay.
Compte tenu de la profondeur du gameplay et du niveau de qualité que nous avons pu voir dans les vidéos annonçant la sortie du jeu, beaucoup peinent à croire qu'il s'agit du premier jeu de Sandfall Interactive. Quelle est la taille de l'équipe de développement et comment l'Unreal Engine vous a-t-il aidé à atteindre vos objectifs ?
Tom Guillermin : Notre équipe principale est composée d'un peu moins de 30 personnes, réparties entre nos bureaux de Montpellier (25 personnes environ) et un bureau plus petit à Paris (5 personnes).
C'est une équipe réduite si l'on considère l'ampleur du projet, tant en termes de gameplay que de contenus proposés. Notre équipe est incroyablement talentueuse, il s'agit d'ailleurs de la première production pour de nombreuses personnes ici à Sandfall. L'Unreal Engine nous a permis de concrétiser une vision qu'il aurait été impossible d'exécuter il y a quelques années avec une équipe de cette taille.
Nous avons également eu beaucoup de chance que notre calendrier de développement coïncide avec la sortie de l'Unreal Engine 5. Les nouvelles fonctionnalités de rendu révolutionnaires ont changé la donne pour nous.
J'ai évoqué les blueprints un peu plus tôt, et ils ont été essentiels pour développer le gameplay tout au long du projet. Ils nous ont permis d'être très flexibles et de créer de nombreux contenus et fonctionnalités au sein d'une petite équipe où tout le monde ne connaît pas la programmation C++.
Avant que l'équipe de programmation ne passe à quatre personnes, j'étais le seul programmeur pendant plusieurs années. À l'époque, nous étions dans une logique d'utiliser autant que possible le système de programmation visuelle Blueprint, car il donne une grande liberté aux non-programmeurs en leur permettant de comprendre la logique du jeu, de tester et de suggérer des modifications de leur propre chef, ou de peaufiner des fonctionnalités existantes.
Pour une petite équipe comme la nôtre, il était essentiel de s'assurer que tout le monde puisse accéder à la majeure partie du projet et ne soit pas bloqué derrière un mur de code. Nous avons bien sûr été confrontés à des difficultés au niveau de notre processus de production et de révision, mais dans l'ensemble, tout ceci a largement contribué à la profondeur du gameplay que nous connaissons aujourd'hui !
Visuellement, Clair Obscur: Expedition 33 est époustouflant et le monde qu'il met en scène est d'une beauté envoûtante. Le style artistique s'est-il imposé très tôt ou a-t-il évolué au fil du temps ?
Tom Guillermin : Nicholas Maxson-Francombe, notre directeur artistique, a passé beaucoup de temps avec Guillaume pour s'accorder sur la patte visuelle à adopter et la faire évoluer jusqu'à atteindre le résultat actuel. Notre histoire se déroule dans un monde fantastique français, nous étions donc très enthousiastes à l'idée de concevoir quelque chose d'unique et propre à notre jeu.
Nicholas a toujours dit que son processus de conception consistait à "dessiner des trucs qu'il trouvait cool" ! Il a commencé par trouver quelques idées clés avec Guillaume et ils sont partis de là. C'est cette façon unique de travailler et de développer le style artistique aux côtés de Guillaume qui, selon moi, a permis d'aboutir au style que nous connaissons aujourd'hui.